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Le français pour tous et tous pour le français

(...) je fais dire aux autres ce que je ne puis si bien dire, tantôt par faiblesse de mon langage, tantôt par faiblesse de mon sens. Montaigne

Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe ! Victor Hugo

Quelle que soit la chose qu'on veut dire, il n'y a qu'un mot pour l'exprimer, qu'un verbe pour l'animer et qu'un adjectif pour la qualifier. Guy de Maupassant

La vraie éloquence se moque de l'éloquence (...) Pascal

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    Quelques extraits de textes d’auteurs :

    sellami kamel
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:09

    Je  voulais goutter ,à nos  chers collègues ,quelques extraits  de textes d'auteurs  que  j'aimais  ,particulièrement:
     
    1-Georges Duhamel, Le Notaire du Havre
    Joseph refusa de continuer ses études. Cette décision jeta notre père en fureur et maman dans un grand trouble.
    -Voyons, Joseph, disait-elle, tu parles d’arrêter tes études au moment même que ton père en commence de terriblement difficiles. Et pourtant ton père n’est plus jeune …… C’est-à-dire qu’il est encore jeune et même qu’il a l’air tout à fait jeune ….. Tu sais, Raymond, que je n’ai pas là-dessus les mêmes idées que toi. Enfin, je n’ai pas voulu te blesser. Assurément, tu ne parais pas ton âge, même à beaucoup près. Mais, comprends-moi, Joseph, des études, il paraît qu’avec les progrès de maintenant c’est absolument nécessaire.
    Joseph avait le regard rétif d’un cheval qui ne veut pas sauter l’obstacle. Il était grand, assez robuste. Il déployait une grosse voix mâle. Il se prit à gratter le sol avec la pointe de ses chaussures. Papa grondait.
    -Si ce n’est pas de la paresse pure et simple, donne tes raisons.
    Joseph ne refusait pas de s’expliquer :
    -Des raisons, j’en ai beaucoup. D’abord, je ne suis pas fait pour les études. Oh ! Je ne suis pas plus bête qu’un autre, mais toutes ces histoires ne me disent rien du tout. Ce n’est pas mon genre. Et je suis même inutile, au moins pour ce que je veux faire. Et puis, il faut toujours acheter des livres et des fournitures, même dans cette école où j’étais. Nous n’avons pas les moyens d’acheter tant de choses.
    -C’est une mauvaise raison, dit le père avec amertume. Si tu avais vraiment la moindre envie de t’instruire, tu les volerais plutôt, les livres….
    -Bien, s’écria maman, ne lui donne pas même en riant, un conseil de cette espèce.
    -Il sait bien ce que ça veut dire. Des livres! Des livres! On les ferait sortir de terre, quand on en a vraiment besoin.
    sellami kamel
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:10

    2-Saint-Exupéry, Le Petit Prince.
    Le renard demande au petit prince de l'apprivoiser, d'être son ami:

    "Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde! Tu vois, là-bas, les champs de blé? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé…
    Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
    -S'il te plaît… apprivoise-moi! dit-il.
    -Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.
    -On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi!"
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:11

    Pierre GAMARRA, L'éducation civique.

    Mais qu'est-ce que donc que la patrie?


    Dites-moi, la patrie, ça existe ou ça n'existe pas?
    D'abord, on pourrait dire que ça existe, et que c'est un de choses assez différentes.
    Pour un Français, la patrie, c'est la terre, la terre de la cour, la terre de la Provence, de la Normandie, de la Bretagne, les Pyrénées, la Garonne, la Seine, la Loire…J'en oublie? Quoi encore? La tour Eiffel, la place de la Concorde, la place du Capitole, la place de Bellecourt, la Canebière…J'en oublie? Les livres de V.Hugo, les fables de La Fontaine, les poèmes de Desnos…J'en oublie…Quoi encore?
    Seulement voilà, mon grand-père était Espagnol. A seize ans, il a quitté l'Espagne. Quant à ma grand-mère, elle était Italienne. A seize ans, elle a quitté l'Italie. Et mon grand-père et ma grand-mère ont travaillé et vécu en France. Ils se sont rencontrés, se sont aimés, se sont mariés. Ils ont donc fondé un foyer, comme on dit.
    Leur fils, c'était mon père. Et mon père est devenu Français. Durant la Première Guerre mondiale, il était soldat et il a défendu la France. Quand il est revenu des tranchées, il avait une main mutilée.
    Comme mon père était Français, je suis Français et mes enfants sont Français. Au fait, pour les Français comme mon père, la patrie, ça veut dire aussi: la terre qu'on défend, la terre qu'on à défendue en souffrant. Non?
    Il y a une autre définition de la patrie: c'est la terre où l'on est heureux.
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:11

    Emile Zola, la Terre.

    Ah ! Cette terre, comme il avait fini par l’aimer ! Et d’une passion où il n’entrait pas que l’âpre avarice du paysan, d'une passion sentimentale, intellectuelle presque, car il la sentait la mère commune, qui lui avait donné sa vie, sa substance, et où il retournerait. D abord, tout jeune, élevé en elle, sa haine du collège, son désir de brûler ses livres n’étaient venus que de son habitude de la liberté, des belles galopades à travers les labours, des griseries de grand air, aux quatre vents de la plaine. Plus tard, quand il avait succédé à son père, il l’avait aimée en amoureux, son amour s’était mûri, comme s’il l’eût prise dés lors en légitime mariage, pour la féconder. Et cette tendresse ne faisait que grandir, à mesure qu’il lui donnait son temps, son argent, sa vie entière, ainsi qu’à une femme bonne et fertile, dont il excusait les caprices, même les trahisons. Il s’emportait bien des fois, lorsqu’elle se montrait mauvaise, lorsque, trop sèche ou trop humide, elle mangeait les semences, sans rendre les moissons ; puis, il doutait, il en arrivait à s’accuser : la faute en devait être à lui. (…) Il y avait englouti sa fortune, la Borderie lui rapportait à peine de quoi manger du pain, en attendant que la crise agricole l’achevât. N’importe, il resterait le prisonnier de sa terre, il y enterrerait ses os, après l’avoir gardée pour femme, jusqu’au bout.
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:12

    Mohamed DIB, Un été africain.

    LE MENDIANT

    Un mendiant s’approche de la porte du magasin. Vieux, les épaules larges il tient un gourdin avec lequel il bat le sol.
    Ses cheveux pendent sur son visage. La poussière des rues a poudré sa barbe.
    "La charité, pour l’amour de Dieu ; c’est aujourd’hui vendredi!" Chantonne-t-il.
    Il tend la main et attend patiemment.
    "Avance, Sidi. Entre chez moi ! Sois le bienvenu."
    Le mendiant ne bouge pas. Il attend toujours sur le pas de la porte.
    "Entre, répète El Hadj. Ne sommes-nous pas tous frères?"
    Cette fois, le vieillard entre. Mais il a de la peine à passer l'entrée, qui est étroite, et il se cogne aux murs. Il s'arrête enfin devant les deux hommes:
    "Viens t'asseoir, père. Tu voudras bien m'excuser, je vais te laisser un instant avec Djamel."
    Il part et revient bientôt. D'un bras, il tient serré contre sa poitrine une miche de pain plate et tendre; de sa main libre, il ferme son porte-monnaie.
    Il remplit ensuite de petit-lait un pot en émail.
    "Tiens, il est tout frais."
    Les mains du mendiant se tendent en mouvements maladroits. Djamel comprend alors que le vieux est aveugle.
    "Au nom de Dieu." prononce ce dernier.
    Et il commence à manger.
    "Quelle est ta situation, Sidi?" demande El Hadj.
    Le mendiant ne répond pas…Il achève son repas, secoue ses haillons et quitte le magasin.

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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:12

    Marcel Pagnol, La gloire de mon père

    Lorsqu’elle allait au marché, elle me laissait au passage dans la classe de mon père, qui apprenait à lire à des gamins de six ou sept ans. Je restais assis, bien sage, au premier rang et j’admirais la toute-puissance paternelle. Il tenait à la main une baguette de bambou ; elle lui servait à montrer les lettres et les mots qu’il écrivait au tableau noir, et quelquefois à frapper sur les doigts d’un cancre inattentif.
    Un beau matin, ma mère me déposa à ma place, et sortit sans mot dire, pendant qu’il écrivait magnifiquement sur le tableau. « La maman a puni son petit garçon qui n’était pas sage. »
    Tandis qu’il arrondissait un admirable point final, je criais: « Non! C’est pas vrai! »
    Mon père se retourna soudain, me regarda stupéfait, et s’écria : « Qu’est-ce que tu dis? »
    -- Maman ne m’a pas puni! Tu n’as pas bien écrit!
    Il s’avança vers moi :
    -- Qui t’a dit qu’on t’avait puni?
    -- C’est écrit.
    La surprise lui coupa la parole un moment.
    -- Voyons, voyons….répétait-il.
    Il dirigea la pointe du bambou vers le tableau noir.
    -- Eh bien, lis.
    Je lus la phrase à haute voix.
    Alors, il alla prendre un abécédaire, et je lus sans difficulté plusieurs pages….
    Je crois qu’il eut ce jour-là la plus grande joie, la plus grande fierté de sa vie.
    Lorsque ma mère survint, elle me trouva au milieu des quatre instituteurs, qui avaient renvoyé leurs élèves dans la cour de récréation, et qui m’entendaient déchiffrer lentement l’histoire du Petit Poucet….Mais au lieu d’admirer cet exploit, elle pâlit, déposa ses paquets par terre, referma le livre, et m’emporta dans ses bras, en disant : “Mon Dieu! Mon Dieu!…”
    Sur la porte de la classe, il y avait la concierge, qui était une vieille femme corse : elle faisait des signes de croix. J’ai su plus tard que c’était elle qui était allée chercher ma mère, en l’assurant que « ces messieurs » allaient me faire « éclater le cerveau ».
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:13

    Paulo Coelho, Manuel du Guerrier de la Lumière.

    Le sens de la répétition

    « Un guerrier de la lumière constate que certains moments se répètent. Fréquemment, il se voit placé devant des problèmes et des situations auxquels il avait déjà été confronté. Alors il est déprimé. Il songe qu’il est incapable de progresser dans la vie, puisque les difficultés sont de retour.
    -je suis déjà passé par là, se plaint-il à son cœur.
    -il est vrai que tu as déjà vécu cela, répond son cœur, mais tu ne l’as jamais dépassé.
    Le guerrier comprend alors que la répétition des expériences a une unique finalité :
    lui enseigner ce qu’il n’a pas encore appris. »
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:13

    Guy de Maupassant, Sur l'eau.

    J'habitais, comme aujourd'hui, la maison de la mère Lafon, et un de mes meilleurs camarades, Louis Bernet, qui a maintenant renoncé au canotage, à ses pompes et à son débraillé pour entrer au Conseil d'Etat, était installé au village de C..., deux lieues plus bas. Nous dînions tous les jours ensemble, tantôt chez lui, tantôt chez moi.
    Un soir, comme je revenais tout seul et assez fatigué, traînant péniblement mon gros bateau, un océan de douze pieds, dont je me servais toujours la nuit, je m'arrêtai quelques secondes pour reprendre haleine auprès de la pointe des roseaux, là-bas, deux cents mètres environ avant le pont du chemin de fer. Il faisait un temps magnifique ; la lune resplendissait, le fleuve brillait, l'air était calme et doux. Cette tranquillité me tenta ; je me dis qu'il ferait bien bon fumer une pipe en cet endroit. L'action suivit la pensée ; je saisis mon ancre et la jetai dans la rivière.
    Le canot, qui redescendait avec le courant, fila sa chaîne jusqu'au bout, puis s'arrêta ; et je m'assis à l'arrière sur ma peau de mouton, aussi commodément qu'il me fut possible. On n'entendait rien, rien : parfois seulement, je croyais saisir un petit clapotement presque insensible de l'eau contre la rive, et j'apercevais des groupes de roseaux plus élevés qui prenaient des figures surprenantes et semblaient par moments s'agiter.
    Le fleuve était parfaitement tranquille, mais je me sentis ému par le silence extraordinaire qui m'entourait. Toutes les bêtes, grenouilles et crapauds, ces chanteurs nocturnes des marécages, se taisaient. Soudain, à ma droite, contre moi, une grenouille coassa. Je tressaillis : elle se tut ; je n'entendis plus rien, et je résolus de fumer un peu pour me distraire. Cependant, quoique je fusse un culotteur de pipes renommé, je ne pus pas ; dès la seconde bouffée, le cœur me tourna et je cessai. Je me mis à chantonner ; le son de ma voix m'était pénible ; alors, je m'étendis au fond du bateau et je regardai le ciel. Pendant quelque temps, je demeurai tranquille, mais bientôt les légers mouvements de la barque m'inquiétèrent. Il me sembla qu'elle faisait des embardées gigantesques, touchant tour à tour les deux berges du fleuve ; puis je crus qu'un être ou qu'une force invisible l'attirait doucement au fond de l'eau et la soulevait ensuite pour la laisser retomber. J'étais ballotté comme au milieu d'une tempête ; j'entendis des bruits autour de moi ; je me dressai d'un bond : l'eau brillait, tout était calme.
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:14

    Guy de Maupassant.
    (Nouvelle publiée sous le titre En canot en 1876.)

     

    Je compris que j'avais les nerfs un peu ébranlés et je résolus de m'en aller. Je tirai sur ma chaîne ; le canot se mit en mouvement, puis je sentis une résistance, je tirai plus fort, l'ancre ne vint pas ; elle avait accroché quelque chose au fond de l'eau et je ne pouvais la soulever ; je recommençai à tirer, mais inutilement. Alors, avec mes avirons, je fis tourner mon bateau et je le portai en amont pour changer la position de l'ancre. Ce fut en vain, elle tenait toujours ; je fus pris de colère et je secouai la chaîne rageusement. Rien ne remua. Je m'assis découragé et je me mis à réfléchir sur ma position. Je ne pouvais songer à casser cette chaîne ni à la séparer de l'embarcation, car elle était énorme et rivée à l'avant dans un morceau de bois plus gros que mon bras ; mais comme le temps demeurait fort beau, je pensai que je ne tarderais point, sans doute, à rencontrer quelque pêcheur qui viendrait à mon secours. Ma mésaventure m'avait calmé ; je m'assis et je pus enfin fumer ma pipe. Je possédais une bouteille de rhum, j'en bus deux ou trois verres, et ma situation me fit rire. Il faisait très chaud, de sorte qu'à la rigueur je pouvais, sans grand mal, passer la nuit à la belle étoile.
    Soudain, un petit coup sonna contre mon bordage. Je fis un soubresaut, et une sueur froide me glaça des pieds à la tête. Ce bruit venait sans doute de quelque bout de bois entraîné par le courant, mais cela avait suffi et je me sentis envahi de nouveau par une étrange agitation nerveuse. Je saisis ma chaîne et je me raidis dans un effort désespéré. L'ancre tint bon. Je me rassis épuisé.
    Cependant, la rivière s'était peu à peu couverte d'un brouillard blanc très épais qui rampait sur l'eau fort bas, de sorte que, en me dressant debout, je ne voyais plus le fleuve, ni mes pieds, ni mon bateau, mais j'apercevais seulement les pointes des roseaux, puis, plus loin, la plaine toute pâle de la lumière de la lune, avec de grandes taches noires qui montaient dans le ciel, formées par des groupes de peupliers d'Italie. J'étais comme enseveli jusqu'à la ceinture dans une nappe de coton d'une blancheur singulière, et il me venait des imaginations fantastiques. Je me figurais qu'on essayait de monter dans ma barque que je ne pouvais plus distinguer, et que la rivière, cachée par ce brouillard opaque, devait être pleine d'êtres étranges qui nageaient autour de moi. J'éprouvais un malaise horrible, j'avais les tempes serrées, mon cœur battait à m'étouffer ; et, perdant la tête, je pensai à me sauver à la nage ; puis aussitôt cette idée me fit frissonner d'épouvante. Je me vis, perdu, allant à l'aventure dans cette brume épaisse, me débattant au milieu des herbes et des roseaux que je ne pourrais éviter, râlant de peur, ne voyant pas la berge, ne retrouvant plus mon bateau, et il me semblait que je me sentirais tiré par les pieds tout au fond de cette eau noire.
    En effet, comme il m'eût fallu remonter le courant au moins pendant cinq cent mètres avant de trouver un point libre d'herbes et de joncs où je pusse prendre pied, il y avait pour moi neuf chances sur dix de ne pouvoir me diriger dans ce brouillard et de me noyer, quelque bon nageur que je fusse.

    J'essayai de me raisonner. Je me sentais la volonté bien ferme de ne point avoir peur, mais il y avait en moi autre chose que ma volonté, et cette autre chose avait peur. Je me demandai ce que je pouvais redouter ; mon moi brave railla mon moi poltron, et jamais aussi bien que ce jour là je ne saisis l'opposition des deux êtres qui sont en nous, l'un voulant, l'autre résistant, et chacun l'emportant tour à tour.
    Cet effroi bête et inexplicable grandissait toujours et devenait de la terreur. Je demeurais immobile, les yeux ouverts, l'oreille tendue et attendant. Quoi ? Je n'en savais rien, mais ce devait être terrible. Je crois que si un poisson se fût avisé de sauter hors de l'eau, comme cela arrive souvent, il n'en aurait pas fallu davantage pour me faire tomber raide, sans connaissance.
    Asuivre:


    Dernière édition par sellami kamel le Lun 10 Mar 2014 - 19:15, édité 1 fois
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:15

    Cependant, par un effort violent, je finis par ressaisir à peu près ma raison qui m'échappait. Je pris de nouveau ma bouteille de rhum et je bus à grands traits. Alors une idée me vint et je me mis à crier de toutes mes forces en me tournant successivement vers les quatre points de l'horizon. Lorsque mon gosier fut absolument paralysé, j'écoutai. - Un chien hurlait, très loin.
    Je bus encore et je m'étendis tout de mon long au fond du bateau. Je restai ainsi peut-être une heure, peut-être deux, sans dormir, les yeux ouverts, avec des cauchemars autour de moi. Je n'osais pas me lever et pourtant je le désirais violemment ; je remettais de minute en minute. Je me disais : "Allons, debout !" et j'avais peur de faire un mouvement. A la fin, je me soulevai avec des précautions infinies, comme si ma vie eût dépendu du moindre bruit que j'aurais fait, et je regardai par-dessus le bord.
    Je fus ébloui par le plus merveilleux, le plus étonnant spectacle qu'il soit possible de voir. C'était une de ces fantasmagories du pays des fées, une de ces visions racontées par les voyageurs qui reviennent de très loin et que nous écoutons sans les croire.
    Le brouillard qui, deux heures auparavant, flottait sur l'eau, s'était peu à peu retiré et ramassé sur les rives. Laissant le fleuve absolument libre, il avait formé sur chaque berge une colline ininterrompue, haute de six ou sept mètres, qui brillait sous la lune avec l'éclat superbe des neiges. De sorte qu'on ne voyait rien autre chose que cette rivière lamée de feu entre ces deux montagnes blanches ; et là-haut, sur ma tête, s'étalait, pleine et large, une grande lune illuminante au milieu d'un ciel bleuâtre et laiteux.
    Toutes les bêtes de l'eau s'étaient réveillées ; les grenouilles coassaient furieusement, tandis que, d'instant en instant, tantôt à droite, tantôt à gauche, j'entendais cette note courte, monotone et triste, que jette aux étoiles la voix cuivrée des crapauds. Chose étrange, je n'avais plus peur ; j'étais au milieu d'un paysage tellement extraordinaire que les singularités les plus fortes n'eussent pu m'étonner.
    Combien de temps cela dura-t-il, je n'en sais rien, car j'avais fini par m'assoupir. Quand je rouvris les yeux, la lune était couchée, le ciel plein de nuages. L'eau clapotait lugubrement, le vent soufflait, il faisait froid, l'obscurité était profonde.
    Je bus ce qui me restait de rhum, puis j'écoutai en grelottant le froissement des roseaux et le bruit sinistre de la rivière. Je cherchai à voir, mais je ne pus distinguer mon bateau, ni mes mains elles-mêmes, que j'approchais de mes yeux.
    Peu à peu, cependant, l'épaisseur du noir diminua. Soudain je crus ressentir qu'une ombre glissait tout près de moi ; je poussai un cri, une voix répondit ; c'était un pêcheur. Je l'appelai, il s'approcha et je lui racontai ma mésaventure. Il mit alors son bateau bord à bord avec le mien, et tous les deux nous tirâmes sur la chaîne. L'ancre ne remua pas. Le jour venait, sombre, gris, pluvieux, glacial, une de ces journées qui vous apportent des tristesses et des malheurs. J'aperçus une autre barque, nous la hélâmes. L'homme qui la montait unit ses efforts aux nôtres ; alors, peu à peu, l'ancre céda. Elle montait, mais doucement, doucement, et chargée d'un poids considérable. Enfin nous aperçûmes une masse noire, et nous la tirâmes à mon bord :
    C'était le cadavre d'une vieille femme qui avait une grosse pierre au cou.
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:16

    Saint-Exupéry, Terre des hommes

    L'eau !
    "Eau, tu n'as ni goût, ni couleur, ni arôme, on ne peut pas te définir, on te goûte, sans te connaître. Tu n'es pas nécessaire à la vie : tu es la vie. Tu nous pénètres d'un plaisir qui ne s'explique point par les sens. Avec toi, rentrent en nous tous les pouvoirs auxquels nous avions renoncé. Par ta grâce, s'ouvrent en nous toutes les sources taries de notre cœur. Tu es la plus grande richesse qui soit au monde, et tu es aussi la plus délicate, toi si pure au ventre de la terre. On peut mourir sur une source d'eau magnésienne. On peut mourir à deux pas d'un lac d'eau salée. On peut mourir malgré deux litres de rosée qui retiennent en suspens quelques sels. Tu n'acceptes point de mélange, tu ne supportes point d'altération, tu es une ombrageuse divinité...
    Mais tu répands en nous un bonheur infiniment simple."
    sellami kamel
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:16

    Quelques textes courts qui pourront servir comme support pour des dictées....

    1-Une fleur unique ?
    Sa fleur lui avait raconté qu'elle était seule de son espèce dans l'univers. Et voici qu'il en était cinq mille, toutes semblables, dans un seul jardin ! " Elle serait bien vexée, se dit-il, si elle voyait ça... elle tousserait énormément et ferait semblant de mourir pour échapper au ridicule. Et je serais bien obligé de faire semblant de la soigner, car, sinon, pour m'humilier moi aussi, elle se laisserait vraiment mourir..."

    Antoine de Saint Exupéry.

    2-Lettre d'un père à sa fille
    Je suis seul, lisant tes chères petites lettres avec les larmes aux yeux. Dans une quinzaine de jours, je vous reverrai, je vous embrasserai ; nous en aurons pour longtemps à être ensemble, et je serai bien heureux. Continue d'être bonne et douce et de faire ma joie; sois attentive et tendre avec ton excellente mère. Elle vous aime tant et est si digne d'être aimée ! Toutes les nuits, je regarde les étoiles comme nous faisions le soir sur le balcon et je pense à toi. Je vois avec plaisir que tu aimes et que tu comprends la nature.

    Victor Hugo.

    3-Le vieux jeune homme
    Il avait trente ans et il passait pour vieux et usé ; sa taille était haute mais courbée comme celle d'un vieillard ; ses cheveux étaient longs mais blancs, ses mains étaient fortes et nerveuses, mais desséchées et couvertes de rides ; son costume était misérable et déguenillé, il avait l'air gauche et embarrassé ; sa physionomie était pâle, triste, laide et même insignifiante.

    Gustave Flaubert.

    4-Un requin-baleine
    Le monstre est un requin-baleine. Sa tête atteint une telle grosseur et une telle laideur qu'elle nous impressionne. Elle est large et plate comme celle d'une grenouille, avec des petits yeux placés latéralement et des mâchoires de crapaud d'un mètre d'ouverture, agrémentées de longues franges aux coins. Un corps énorme la prolonge, mais la longue queue pointue et la mince nageoire caudale, dressée en l'air, prouvent que l'animal n'appartient à aucune espèce de baleine.

    D'après Thor Heyerdhal, L'expédition du Kon-Tiki.


    5-La danseuse et la chèvre
    Dans un vaste espace laissé libre parmi la foule, une bohémienne dansait. Elle tournait, elle tourbillonnait sur un vieux tapis, jeté négligemment sous ses pieds ; et, chaque fois qu'en tournoyant sa rayonnante figure passait devant nous, ses grands yeux noirs jetaient un éclair. Autour d'elle tous les regards étaient fixes, toutes les bouches ouvertes. La jeune fille s'arrêta enfin, et le peuple applaudit avec amour. Alors, Pierre vit arriver une jolie petite chèvre alerte, éveillée.

    Victor Hugo, Notre-Dame de Paris.


    Dernière édition par sellami kamel le Lun 10 Mar 2014 - 19:35, édité 1 fois
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:17

    Trouver son mot.
    J’ai toujours dit mes mots d’une façon passionnée… Les mots nous échappent dans la mesure où ils ont plusieurs sens … Ecrire, dire c’est se battre avec les mots si nombreux, si glissant, si fuyants… Toutes les langues ont trop de mots pour dire des choses : le français est volubile, la langue arabe, elle, est excessive…il y a six cents mots arabes pour nommer le lion… Pour moi donc, parler, écrire, c’est m’acharner à trouver les mots qu’il faut pour exprimer exactement l’idée que j’ai en tête.

    Rachid BOUDJEDRA, Lettres algériennes.
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:18

    La boîte à merveilles : Ahmed Sifriou:

    "À six ans, j'étais seul, peut-être malheureux, mais je n'avais aucun point de repère qui me permît
    d'appeler mon existence solitude ou malheur.
    Je n'étais ni heureux ni malheureux. J'étais un enfant seul. Cela, je le savais. Point farouche de nature,
    j'ébauchai de timides amitiés avec les bambins de l'école coranique, mais leur durée fut brève. Nous
    habitions des univers différents. J'avais un penchant pour le rêve. Le monde me paraissait un domaine
    fabuleux, une féerie grandiose où les sorcières entretenaient un commerce familier avec les puissances
    invisibles. Je désirais que l'invisible m'admît à participer à ses mystères. Mes petits camarades de
    l'école se contentaient du visible, surtout quand ce visible se concrétisait en sucreries d'un bleu céleste
    ou d'un rose du soleil couchant. Ils aimaient à grignoter, sucer, mordre à pleines dents. Ils aimaient
    aussi à jouer la bataille, se prendre à la gorge avec des airs d'assassins, pour imiter la voix de leur père,
    d'insulter pour imiter les voisins, commander pour imiter le maître d'école.
    sellami kamel
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    Message par sellami kamel Lun 10 Mar 2014 - 19:33

    Kateb Yacine - Lettre à Albert Camus - 1957


    Mon cher compatriote,

    Exilés du même royaume nous voici comme deux frères ennemis, drapés dans l'orgueil de la possession renonçante, ayant superbement rejeté l'héritage pour n'avoir pas à le partager. Mais voici que ce bel héritage devient le lieu hanté où sont assassinés jusqu'aux ombres de la Famille ou de la Tribu, selon les deux tranchants de notre Verbe pourtant unique. On crie dans les ruines de Tipasa et du Nadhor. Irons-nous ensemble apaiser le spectre de la discorde, ou bien est-il trop tard? Verrons-nous à Tipasa et au Nadhor les fossoyeurs de l'ONU déguisés en Juges, puis en Commissaires priseurs? Je n'attends pas de réponse précise et ne désire surtout pas que la publicité fasse de notre hypothétique coexistence des échos attendus dans les quotidiens. S'il devait un jour se réunir un Conseil de Famille, ce serait certainement sans nous. Mais il est (peut-être) urgent de remettre en mouvement les ondes de la Communication, avec l'air de ne pas y toucher qui caractérise les orphelins devant la mère jamais tout à fait morte.

    Fraternellement
    Kateb Y
    abderrahmane 31
    abderrahmane 31


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    Message par abderrahmane 31 Lun 10 Mar 2014 - 20:55

    Un grand merci, cher Sellami, pour ce cocktail de textes fabuleux.

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