La radio.
Nagib a remis la porte d’entrée sur ses gonds, a fait craquer ses doigts et nous a dit:
-Venez voir, mes agneaux, la splendeur des splendeurs.
Nous sommes montés et nous avons vu. Par terre, dans le salon, il y avait des planches, deux ou trois encore entières, les autres en éclats. Des morceaux de fil de fer, des clous tordus. Et au milieu de tout cela, quelque chose de noir, pesant, oblong, qui tenait du coffre et de l’armoire. Avec un cadran, deux boutons et une plaque de métal où était gravé en relief un mot que je ne comprenais pas : BLAUPUNKT.
Ma mère a considéré Nagib et a levé les bras au ciel. Puis elle a considéré le meuble, longuement ; a tourné tout autour, les mains dans le dos; a tapoté le cadran, tourné les boutons. Et comme le meuble ne réagissait pas, elle s’est arrêtée et m’a dit :
-Qu’est-ce que c’est, cette chose ?
-Blo Punn Kteu, ai-je répondu.
-Quoi ?
- Blo Punn Kteu.
Elle s’est mise tout de suite en colère, comme si le feu couvait depuis longtemps en elle.
-Quelqu’un dans cette maison veut-il m’expliquer de quoi il s’agit ?
-Ce qu’il a dit n’est pas tout à fait exact, a fait remarquer mon frère. Moi aussi, je sais lire. Il y a écrit : « Bla Upunn Kteu ».
Je me suis mis en colère à mon tour.
- Blo Punn Kteu !
-Non, monsieur, a dit Nagib. B-L-A, Bla, Upunn Kteu. C’est comme ça , mon petit !
-Seigneur Dieu ! s’est écriée ma mère en se tordant les mains. Qu’est-ce qu’ils me racontent, ces monstres que j’ai mis au monde ! Allez-vous m’expliquer à la fin ?
-C’est la radio, a répondu Nagib. La radio, quoi !
-Mais qu’est-ce que c’est cette « radio » dont j’entends parler depuis trois jours ? Radio… Blo… Bla Upunn… Radio… Kteu !...
Les yeux dans les yeux, Nagib et moi nous sommes regardés en frères et nous avons répondu d’une seule et même voix :
-C’est une boîte qui parle.
-Qui parle ? Une boîte qui parle? Ah ça ! Vous me prenez pour une femme du Moyen Age ou pour un haricot ? Vous osez vous moquez de votre mère ? Attendez un peu que je défasse ma ceinture.
-Elle est en soie, a dit Nagib. Elle ne ferait pas de mal à un ver de terre. Prends plutôt une de ces planches. Et tape si tu ne comprends pas. Mais auparavant, écoute-moi, petite mère : ceci est une boîte , je te l’assure, et une boîte qui parle.
-Mais-elle-ne-parle-pas !
-Elle va le faire. Elle va donner les nouvelles du monde entier, elle va chanter, dire : « Au quatrième top, il sera exactement 10 heures 24 minutes 30 secondes.» Elle va rire, pleurer, raconter un tas d’histoires.
-Elle va faire tout ça ? Tu en es sûr ?
-Oui, madame.
-Mais… mais comment ?
De nouveau, nous nous sommes regardés, mon frère et moi. Et nous nous sommes compris. J’ai vu comme un doigt sur les yeux de Nagib me recommandant la plus grande prudence : «Chut! Tais-toi. Ne lui parle surtout pas de l’électricité, ça ferait des étincelles.»J’ai répondu très vite :
Par magie.
-Ah bon ! a dit ma mère, soulagée et joyeuse tout à coup. Comme les fakirs et les charmeurs de serpents ?
-C’est ça. Parfaitement.
-Tu veux dire qu’un magicien va venir et animer cette grande boîte ?
Nagib l’a prise dans ses bras, lui a embrassé les mains, le front, les cheveux.
-C’est un magicien tellement magique que tu ne le verras même pas. Je t’en donne ma parole.
-Oh ! je suis contente… si contente…
Nagib a remis la porte d’entrée sur ses gonds, a fait craquer ses doigts et nous a dit:
-Venez voir, mes agneaux, la splendeur des splendeurs.
Nous sommes montés et nous avons vu. Par terre, dans le salon, il y avait des planches, deux ou trois encore entières, les autres en éclats. Des morceaux de fil de fer, des clous tordus. Et au milieu de tout cela, quelque chose de noir, pesant, oblong, qui tenait du coffre et de l’armoire. Avec un cadran, deux boutons et une plaque de métal où était gravé en relief un mot que je ne comprenais pas : BLAUPUNKT.
Ma mère a considéré Nagib et a levé les bras au ciel. Puis elle a considéré le meuble, longuement ; a tourné tout autour, les mains dans le dos; a tapoté le cadran, tourné les boutons. Et comme le meuble ne réagissait pas, elle s’est arrêtée et m’a dit :
-Qu’est-ce que c’est, cette chose ?
-Blo Punn Kteu, ai-je répondu.
-Quoi ?
- Blo Punn Kteu.
Elle s’est mise tout de suite en colère, comme si le feu couvait depuis longtemps en elle.
-Quelqu’un dans cette maison veut-il m’expliquer de quoi il s’agit ?
-Ce qu’il a dit n’est pas tout à fait exact, a fait remarquer mon frère. Moi aussi, je sais lire. Il y a écrit : « Bla Upunn Kteu ».
Je me suis mis en colère à mon tour.
- Blo Punn Kteu !
-Non, monsieur, a dit Nagib. B-L-A, Bla, Upunn Kteu. C’est comme ça , mon petit !
-Seigneur Dieu ! s’est écriée ma mère en se tordant les mains. Qu’est-ce qu’ils me racontent, ces monstres que j’ai mis au monde ! Allez-vous m’expliquer à la fin ?
-C’est la radio, a répondu Nagib. La radio, quoi !
-Mais qu’est-ce que c’est cette « radio » dont j’entends parler depuis trois jours ? Radio… Blo… Bla Upunn… Radio… Kteu !...
Les yeux dans les yeux, Nagib et moi nous sommes regardés en frères et nous avons répondu d’une seule et même voix :
-C’est une boîte qui parle.
-Qui parle ? Une boîte qui parle? Ah ça ! Vous me prenez pour une femme du Moyen Age ou pour un haricot ? Vous osez vous moquez de votre mère ? Attendez un peu que je défasse ma ceinture.
-Elle est en soie, a dit Nagib. Elle ne ferait pas de mal à un ver de terre. Prends plutôt une de ces planches. Et tape si tu ne comprends pas. Mais auparavant, écoute-moi, petite mère : ceci est une boîte , je te l’assure, et une boîte qui parle.
-Mais-elle-ne-parle-pas !
-Elle va le faire. Elle va donner les nouvelles du monde entier, elle va chanter, dire : « Au quatrième top, il sera exactement 10 heures 24 minutes 30 secondes.» Elle va rire, pleurer, raconter un tas d’histoires.
-Elle va faire tout ça ? Tu en es sûr ?
-Oui, madame.
-Mais… mais comment ?
De nouveau, nous nous sommes regardés, mon frère et moi. Et nous nous sommes compris. J’ai vu comme un doigt sur les yeux de Nagib me recommandant la plus grande prudence : «Chut! Tais-toi. Ne lui parle surtout pas de l’électricité, ça ferait des étincelles.»J’ai répondu très vite :
Par magie.
-Ah bon ! a dit ma mère, soulagée et joyeuse tout à coup. Comme les fakirs et les charmeurs de serpents ?
-C’est ça. Parfaitement.
-Tu veux dire qu’un magicien va venir et animer cette grande boîte ?
Nagib l’a prise dans ses bras, lui a embrassé les mains, le front, les cheveux.
-C’est un magicien tellement magique que tu ne le verras même pas. Je t’en donne ma parole.
-Oh ! je suis contente… si contente…