Abbé Dinouard, L’Art de se taire(1771). Ed. Jérôme Million
Différentes espèces de silence
Il est un silence prudent, et un silence artificieux.
Un silence complaisant, et un silence moqueur. Un silence spirituel, et silence stupide.
Un silence d’approbation, et un silence de mépris. Un silence de politique.
Un silence d’humeur et de caprice.
1. Le silence est prudent quand on sait se taire à propos, selon le temps et les lieux où l’on se trouve dans le monde, et selon les égards qu’on doit avoir pour les personnes avec qui on est engagé à traiter et à vivre.
2. Le silence est artificieux, quand on ne se tait que pour surprendre, soit en déconcertant par-là ceux qui nous déclarent leurs sentiments, sans leur donner à connaître les nôtres, soit en profitant de ce que nous avons entendu et remarqué, sans y avoir voulu répondre autrement que par des manières trompeuses.
3. Le silence complaisant est une application non seulement à écouter sans contredire ceux à qui on a dessein de plaire, mais encore à leur donner des marques du plaisir qu’on prend à leur entretien, ou à leur conduite ; de sorte que les regards, les gestes tout supplée au défaut de la parole, pour leur applaudir.
4. Le silence moqueur est une réserve maligne et affectée, à ne point interrompre, sur les choses dépourvues de sens, ou inconsidérées, les sottises qu’on entend dire, ou que l’on voit faire, pour jouir du plaisir secret que donnent ceux qui en sont les dupes, en s’imaginant qu’on les approuve et qu’on les admire.
5. C’est un silence spirituel, quand on aperçoit sur le visage d’une personne qui ne dit rien, un certain air ouvert, agréable, animé, et propre à faire comprendre, sans le secours de la parole, les sentiments qu’on veut laisser connaître.
6. C’est, au contraire, un silence stupide, lorsque la langue étant immobile, et l’esprit insensible, tout l’homme paraît être abîmé dans une profonde taciturnité qui ne signifie rien.
7. Le silence d’approbation consiste dans le consentement qu’on donne à ce qu’on voit et à ce qu’on entend, soit en se contentant d’y avoir une attention favorable, qui marque le cas qu’on en fait, soit en témoignant, par quelques signes extérieurs, qu’on le juge raisonnable et qu’on l’approuve.
8. C’est un silence de mépris, que de ne pas daigner répondre à ceux qui nous parlent, ou qui attendent que nous nous déclarions sur leur sujet, et de regarder avec autant de froideur que de fierté, tout ce qui vient de leur part.
9. Le silence d’humeur est celui d’un homme dont les passions ne s’animent que suivant la disposition, ou l’agitation de l’humeur qui domine en lui, et d’où dépendent situation de son esprit, et l’opération de ses sens ; qui trouve bien ou mal ce qu’il entend, selon que la physique1 fait bien ou mal ses fonctions, qui n’ouvre la bouche que par boutades, et pour ne rien dire que de désobligeant, ou de déplacé.
10. Le silence politique est celui d’un homme prudent, qui se ménage, qui se conduit avec circonspection, qui ne s’ouvre point toujours, qui ne dit pas tout ce qu’il pense, qui n’explique pas toujours sa conduite et ses desseins ; qui, sans trahir les droits de la vérité, ne répond pas toujours clairement, pour ne point se laisser découvrir.
Différentes espèces de silence
Il est un silence prudent, et un silence artificieux.
Un silence complaisant, et un silence moqueur. Un silence spirituel, et silence stupide.
Un silence d’approbation, et un silence de mépris. Un silence de politique.
Un silence d’humeur et de caprice.
1. Le silence est prudent quand on sait se taire à propos, selon le temps et les lieux où l’on se trouve dans le monde, et selon les égards qu’on doit avoir pour les personnes avec qui on est engagé à traiter et à vivre.
2. Le silence est artificieux, quand on ne se tait que pour surprendre, soit en déconcertant par-là ceux qui nous déclarent leurs sentiments, sans leur donner à connaître les nôtres, soit en profitant de ce que nous avons entendu et remarqué, sans y avoir voulu répondre autrement que par des manières trompeuses.
3. Le silence complaisant est une application non seulement à écouter sans contredire ceux à qui on a dessein de plaire, mais encore à leur donner des marques du plaisir qu’on prend à leur entretien, ou à leur conduite ; de sorte que les regards, les gestes tout supplée au défaut de la parole, pour leur applaudir.
4. Le silence moqueur est une réserve maligne et affectée, à ne point interrompre, sur les choses dépourvues de sens, ou inconsidérées, les sottises qu’on entend dire, ou que l’on voit faire, pour jouir du plaisir secret que donnent ceux qui en sont les dupes, en s’imaginant qu’on les approuve et qu’on les admire.
5. C’est un silence spirituel, quand on aperçoit sur le visage d’une personne qui ne dit rien, un certain air ouvert, agréable, animé, et propre à faire comprendre, sans le secours de la parole, les sentiments qu’on veut laisser connaître.
6. C’est, au contraire, un silence stupide, lorsque la langue étant immobile, et l’esprit insensible, tout l’homme paraît être abîmé dans une profonde taciturnité qui ne signifie rien.
7. Le silence d’approbation consiste dans le consentement qu’on donne à ce qu’on voit et à ce qu’on entend, soit en se contentant d’y avoir une attention favorable, qui marque le cas qu’on en fait, soit en témoignant, par quelques signes extérieurs, qu’on le juge raisonnable et qu’on l’approuve.
8. C’est un silence de mépris, que de ne pas daigner répondre à ceux qui nous parlent, ou qui attendent que nous nous déclarions sur leur sujet, et de regarder avec autant de froideur que de fierté, tout ce qui vient de leur part.
9. Le silence d’humeur est celui d’un homme dont les passions ne s’animent que suivant la disposition, ou l’agitation de l’humeur qui domine en lui, et d’où dépendent situation de son esprit, et l’opération de ses sens ; qui trouve bien ou mal ce qu’il entend, selon que la physique1 fait bien ou mal ses fonctions, qui n’ouvre la bouche que par boutades, et pour ne rien dire que de désobligeant, ou de déplacé.
10. Le silence politique est celui d’un homme prudent, qui se ménage, qui se conduit avec circonspection, qui ne s’ouvre point toujours, qui ne dit pas tout ce qu’il pense, qui n’explique pas toujours sa conduite et ses desseins ; qui, sans trahir les droits de la vérité, ne répond pas toujours clairement, pour ne point se laisser découvrir.