Niveau : 3AS Durée : 2 Heures
Composition du 2ème trimestre
Texte : [Diderot se trouve au Grandval, propriété du baron d'Holbach. Ce dernier craint d'avoir perdu beaucoup d'argent, ce qui l'obligerait à réduire son train de vie.]
[...] Je pensais que pour un homme qui n'aurait ni femme, ni enfant, ni aucun de ces attachements qui font désirer la richesse, et qui ne laissent jamais de superflu, il serait presque indifférent d'être pauvre ou riche. Pauvre, on s'expatrierait, on subirait la condamnation ancienne portée par la nature contre l'espèce humaine, et l'on gagnerait son pain à la sueur de son front... Ce paradoxe tient à l'égalité que j'établis entre les conditions et au peu de différence que je mets, quant au bonheur, entre le maître de la maison et son portier... Si je suis sain d'esprit et de corps, si j'ai l'âme honnête et la conscience pure, si je sais distinguer le vrai du faux, si j'évite le mal et fais le bien, si je sens la dignité de mon être, si rien ne me dégrade à mes propres yeux, si, loin de mon pays, je suis ignoré des hommes dont la présence me ferait peut-être rougir, on peut m'appeler comme on voudra, milord1 ou sirrah : sirrah, en anglais, c'est un faquin2 en français, la qualité qu'un petit-maître en humeur donne à son valet... Faire le bien, connaître le vrai, voilà ce qui distingue un homme d'un autre ; le reste n'est rien. La durée de la vie est si courte, ses besoins sont si étroits, et quand on s'en va, il importe si peu d'avoir été quelqu'un ou personne. Il ne faut à la fin qu'un mauvais morceau de toile et quatre planches de sapin... Dès le matin, j'entends sous ma fenêtre des ouvriers. A peine le jour commence-t-il à poindre qu'ils ont la bêche à la main, qu'ils coupent la terre et roulent la brouette. Ils mangent un morceau de pain noir ; ils se désaltèrent au ruisseau qui coule ; à midi ils prennent une heure de sommeil sur la terre ; bientôt ils se remettent à leur ouvrage. Ils sont gais ; ils chantent ; ils se font entre eux de bonnes grosses plaisanteries qui les égaient; ils rient. Sur le soir, ils vont retrouver des enfants tout nus autour d'un âtre enfumé, une paysanne hideuse et malpropre, et un lit de feuilles séchées, et leur sort n'est ni plus mauvais ni meilleur que le mien...
Denis Diderot, Correspondance, Lettres à Sophie Volland, Lettre du 2 novembre 1759
1 - Milord : en anglais ce mot désigne un aristocrate.2 - Faquin : insulte qu' « un petit-maître » en colère lance « à son valet ».
Compréhension de l’écrit :
1) Qui parle dans ce texte ?
2) A qui s’adresse-t-il ?
3) « Ce paradoxe tient à l'égalité que j'établis… »
De quel paradoxe s’agit-il ?
4) Quel est l’objet de l’argumentation ?
5) Relevez les arguments qui appuient la thèse de l’auteur.
6) « Il ne faut à la fin qu'un mauvais morceau de toile et quatre planches de sapin... »
Cette phrase signifie :
- A la fin, on ne regrette rien.
- L’homme aime la toile et le sapin.
- L’homme est mortel.
Recopiez la phrase juste.
7) Quel est l’exemple donné par l’auteur pour illustrer son argumentation ?
Relevez dans le texte les indices de l’énonciation.
9) A qui ou à quoi renvoient les mots soulignés dans le texte ?
10) Relevez dans le texte le procédé explicatif utilisé par l’auteur. Comment appelle-t-on ce procédé ?
11) Trouvez dans le texte les mots ou expressions qui appartiennent au champ lexical de « pauvreté ».
12) « A peine le jour commence-t-il à poindre qu'ils ont la bêche à la main ».
Quel rapport logique est exprimé dans cette phrase ?
Réécrivez cette phrase en utilisant la locution « dès que ».
13) Donnez un titre au texte.
Expression écrite :
Traitez l’un des sujets suivants :
1) Pour un homme qui n'aurait ni femme, ni enfant, ni aucun de ces attachements qui font désirer la richesse, être riche ou pauvre, cela n’a aucune importance.
Etes-vous de cet avis ? Argumentez votre texte.
2) Faites le compte rendu objectif de ce texte.
Dernière édition par Admin le Dim 2 Fév 2014 - 17:21, édité 1 fois